La Route de la Soie à vélo, avec Sofiane Sehili

Sofiane Sehili est un aventurier à vélo. Habitué des aventures exceptionnelles à vélo, il a bouclé, en Amérique du nord, l’une des plus difficiles épreuves d’endurance au monde : le Tour Divide. Le cycliste de Colombes a parcouru 4 418 km en 16 jours et est devenu le premier français à monter sur le podium d’une des plus longues courses de vélo du monde.

Son créneau ? « Travel light, travel far. » C’est tout naturellement que Sofiane a décidé il y a quelques mois de rallier la Chine à vélo en passant par l’Asie centrale. La route de la soie à vélo, rien que ça.

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Salut Sofiane, qu’est-ce qui t’a poussé à faire la route de la soie à vélo ?

Je me suis dit que c’était un beau défi d’aller jusqu’au Pacifique quand on vit à 200 bornes de l’Atlantique.

Si j’ai décidé d’aller jusqu’en Chine à vélo, c’est pour deux raisons. La première c’est parce que j’ai eu l’occasion de rouler un peu là-bas l’année dernière et j’ai vraiment adoré. Tant les paysages que les gens.

La deuxième c’est parce que c’est tout simplement la plus longue distance que je puisse parcourir en partant de chez moi. Je me suis dit que c’était un beau défi d’aller jusqu’au Pacifique quand on vit à 200 bornes de l’Atlantique.

Peux-tu nous décrire ton itinéraire en détails ? Où en es-tu de ton voyage ? 

J’ai roulé pratiquement tous les jours, un peu plus de 200km en moyenne, environ 9h de selle au quotidien.

Je suis actuellement au Kirghizistan, après avoir parcouru plus de 9000 km. J’ai traversé la France, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la Slovaquie, la Hongrie, la Serbie, la Bulgarie, la Turquie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Il ne reste plus que la Chine à traverser. Enfin « plus que » c’est façon de parler car ça va représenter presque un tiers de mon périple !

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Je suis parti de Paris le 15 août et j’ai roulé pratiquement tous les jours, un peu plus de 200km en moyenne. Ce qui représente environ 9h de selle au quotidien.

Quels sont les pays ou régions que tu as préférés pour l’instant ?

J’ai eu quelques très beaux bouts de routes en Suisse, en Autriche, en Bulgarie, en Ouzbékistan également. J’ai été fasciné par le petit bout de Kazakhstan que j’ai vu. En terme de paysage c’est incroyablement aride et monotone, mais ça crée justement une impression à la fois d’immensité, de profonde solitude et de mystère. J’aimerais beaucoup y retourner, mais davantage en train qu’à vélo.

Tu es actuellement en Asie centrale, peux-tu nous parler un peu de ces pays mythiques pour les voyageurs à vélo ? La Pamir highway est-elle si belle qu’on le raconte ?

J’ai beaucoup voyagé, des dizaines de milliers de kilomètres sur 4 continents. J’ai vu des endroits splendides qui m’ont marqué à vie. Mais la Pamir Highway est à part.

Oui, je suis en ce moment en Asie centrale et je viens d’en terminer avec la mythique Pamir Highway. J’ai été surpris du nombre de cyclo-touristes qui bravent cet environnent hostile sur leurs machines surchargées. Ils convergent tous ici, souvent après de longs mois de voyages, voire plusieurs années, malgré l’état déplorable de la route, l’altitude souvent supérieure à 4000m, le froid et les difficultés pour se ravitailler.

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Mais je doute fort qu’ils le regrettent. J’ai beaucoup voyagé, des dizaines de milliers de kilomètres sur 4 continents. Des États-Unis à l’Iran, de la Nouvelle-Zélande à l’Indonésie, des Balkans au Vietnam… J’ai vu des endroits splendides qui m’ont marqué à vie. Mais la Pamir Highway est à part.

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Ce n’est pas juste une question de paysages. Oui, ils sont à couper le souffle et ceux le long de la frontière afghane sont très différents de ceux qui culminent au-delà des 4000m. Mais en plus de ces splendeurs naturelles, il y a un calme, un isolement, un dépaysement. Il faut voir ces quelques villages disséminés sur ces centaines de kilomètres où rien n’arrive pour le comprendre. Entre Jelondy (3500m) et Sary Tash (3100m) il y a plus de 400km et seulement 3 villages ! Le temps s’est arrêté ici. On peut passer des heures sans voir une voiture.

{Sur la Pamir Highway} les canyons vous avalent, les montagnes vous écrasent, les lacs vous déroulent l’horizon comme un tapis. Tout ça pour vous et vous seul. Le Pamir est sans conteste le clou de la route de la soie.

On croise des bergers qui mènent leur troupeaux plus souvent qu’on ne croise des camions. On a pas simplement un décor fabuleux, on l’a pour nous tout seul. Rien ni personne ne vient parasiter ces moments quasi religieux.

J’ai traversé le Yellowstone à vélo l’été dernier. Est-ce beau ? Oui. Mais c’est un cirque. Un barnum grouillant de voitures qui ne m’a provoqué aucune émotion. Ici les canyons vous avalent, les montagnes vous écrasent, les lacs vous déroulent l’horizon comme un tapis. Tout ça pour vous et vous seul.

Et c’est d’une telle beauté que mes yeux s’en sont parfois embués et que j’ai souvent poussé des exclamations en découvrant les panoramas.

route de la soie pamir highway en vélo

Et il y a quelque chose de fascinant dans cette proximité avec l’Afghanistan. J’ai souvent gardé les yeux braqués sur l’autre rive du lve Panj. Presque incrédule. J’étais si près et pourtant ce pays restait toujours aussi inaccessible ! Et c’est un des instincts les plus basiques que d’être aimanté par l’interdit. Tellement que j’ai parfois pensé à traverser le fleuve à la nage pour me poser ne serait-ce qu’un pied là-bas.

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Le Pamir est sans conteste le clou de la route de la soie. L’endroit le plus beau, le plus sauvage et le plus inaccessible.

Comment as-tu préparé ce voyage incroyable ? Comment es-tu équipé pour affronter les routes difficiles des pays d’Asie centrale ?

Pour ce qui est de la préparation de ce voyage, comme à mon habitude j’ai fait le minimum. J’ai fait mes visas pour l’Ouzbékistan et la Chine, les seuls qui nécessitent d’être faits à l’avance. J’ai monté mon nouveau cadre (un omnium CXC) avec les pièces que j’utilise habituellement pour voyager et j’ai rempli mes sacoches du strict nécessaire.

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En partant je n’avais qu’une vague idée de mon itinéraire. Je savais à peu près dans quels pays j’allais passer, mais je n’avais pas du tout préparé mes étapes en détails ni fait de recherches quant à ce qu’il faut voir ou visiter.

J’ai déjà une bonne douzaine de voyages à vélo à mon actif et je les prépare toujours plus ou moins de la même façon. Celui là n’a pas bénéficié d’un traitement spécial.

Je me doutais que les routes n’allaient pas toujours être bonnes. J’ai donc opté pour des pneus de 35. Ça paraîtra fin à certains mais je sais qu’avec ça je passe partout. D’autant que je les monte en tubeless et je peux donc descendre très bas en pression sans craindre de pincer.

Pour m’éclairer j’ai choisi une super nova e3 pro, couplée à une b&m secula en feu arrière, le tout relié à un moyeu dynamo SP. Pour mes sacoches j’ai la chance de pouvoir compter sur le soutien d’Apidura qui me fournit des produits de très grande qualité.

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Mon cadre Omnium cxc est en acier, robuste et confortable. Il est extrêmement modulable puisqu’on peut le monter avec un dérailleur, en fixe, en single speed, avec un moyeu à vitesses intégrées, avec frein à disque ou sur jante, avec garde boue, porte bagages, enfin bref un peu comme on veut.

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Pour la transmission j’ai l’habitude de partir avec du 9v car je sais que je jeux tenir entre 15.000 et 20.000km avant d’avoir à changer chaine et cassette.

Quel est le meilleur souvenir de ton périple jusque-là ?

C’est une question difficile. Je me souviens de la première étape où j’ai vraiment pris un pied phénoménal. En Bulgarie entre Montana et Plovdiv. Une étape de montagne, très dure sur de mauvaises routes mais avec de superbes paysages et très peu de voitures. Je me souviens que quand le soleil s’est couché, je me suis dit « ah mince, c’est déjà fini« . J’étais dans un tel état d’euphorie que je ne ressentais aucune fatigue. J’avais envie de continuer. Je me sentais assez fort pour faire le double ou le triple. C’est pour des journées comme ça que je fais du vélo. Des journées parfaites qu’on voudrait ne jamais voir s’achever.

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Sinon plus récemment, j’ai franchi la frontière kirghize tard le soir et j’ai filé vers le village la plus proche : Sary Tash. Où je suis arrivé tard, vers 22:30, après une trentaine de kilomètres à -2°C. J’étais frigorifié et affamé et j’ai trouvé une petite guesthouse où une jeune femme, malgré l’heure tardive, m’a installé dans une pièce où brûlait un poêle et m’a apporté un plat de pommes de terre et une théière pleine. C’était une demeure très modeste et une cuisine très simple mais ça m’a fait plus d’effet qu’un palace n’en fait a un prince.

Des mauvais souvenirs ?

Je pars de Beyneu au Kazakhstan, direction la frontière ouzbèke. Jusqu’ici j’avais eu des routes en parfait état dans ce pays. Et là c’est le cauchemar. Une route dans un tel état de délabrement que la plupart du temps je préfère rouler sur des pistes de terre parallèles. Elles-mêmes loin d’être super roulantes.

Après 80km, j’arrive à la frontière que je passe sans encombre. Juste après, un type me sollicite pour changer de l’argent. Il me propose un taux scandaleux et je l’envoie paître. Je me dis que je trouverais un distributeur, un bureau de change ou un hôtel dans la prochaine ville pour récupérer du cash.

Je repars en espérant qu’avec le changement de pays la route va s’améliorer. Pas du tout !

Alors que la nuit tombe, je me traîne péniblement jusqu’à la ville de Karakalpakya. Enfin « ville » c’est un bien grand mot… C’est un village de quelques rues, sans éclairage public, à peine un magasin. Certainement pas de banque ou d’hôtel, ni de bureau de change. Je trouve de l’eau qui coule d’un tuyau sans savoir vraiment d’où elle provient. Je me dis que je vais remplir mes bidons parce que parfois vaut mieux boire une eau douteuse que ne pas boire du tout. Puis je repars.

La prochaine ville qui apparaît sur Google maps est Jasliq. 140km plus loin. Pour y arriver je n’ai que quelques biscuits et cette eau que je n’ai pas franchement envie de boire. Si j’essaie de rouler de jour, je m’expose à des températures de 40°C qui sont la norme l’été dans les steppes d’ouzbekistan. Rouler de nuit est ma seule chance. Je fais vingt kilomètres sur cette route qui me rend fou tellement elle est défoncée.

Mon GPS affiche 18km/h de moyenne sur 120km de plat. Je suis abattu. Je m’assois par terre dans la poussière pour manger quelques biscuits et boire un peu de mon eau douteuse. Je me demande où je vais trouver le courage de continuer. Un petit vent se lève. Il commence à faire frais. Je me dis que je pourrais dormir quelques heures. Je m’éloigne un peu de la route et je me glisse dans mon sac de couchage. Quand mon réveil sonne 4h plus tard, impossible de me lever. Je sais que si je me rendors je vais le regretter mais je n’arrive pas à trouver le courage de retourner sur cet asphalte délabré.

Je me réveille vers 9h. Je finis mes biscuits et un bidon d’eau. Assis sur mon duvet, je vois une moto rouler lentement sur la route. Le pilote me voit et s’arrête. C’est ma chance ! Je cours et le rejoins. Je lui demande si je peux lui échanger quelques dollars contre de la monnaie locale. Il ne lui reste que l’équivalent d’un euro. C’est peu mais c’est déjà ça. Une fois à Jasliq je pourrais m’acheter de quoi boire. En attendant il me remplit la moitié de mon bidon vide avec ce qui lui reste d’eau.

120km sous le cagnard du désert ouzbek avec 1L d’eau… La tâche apparaît quand même compliqué. Mais je suis un incorrigible optimiste et je me mets en route confiant. Surtout que le motard m’a dit que la route s’arrange un peu plus loin. Et en effet après 20km le revêtement devient bien meilleur.

La température monte assez vite malheureusement. Dans l’idéal il faudrait boire un litre par heure. Je dispose de cinq fois moins que ce dont j’ai besoin. Je me rationne. Ma bouche est terriblement sèche. Il y a très peu de voitures. Dès que j’en vois une, je l’imagine s’arrêter et le conducteur me tendre une bouteille d’eau. Je regarde toutes les bouteilles vides sur le bord de la route pour voir si l’une d’entre elle ne contiendrait pas encore un peu d’eau.

Une heure passe puis deux. Mes réserves touchent à leur fin. Jasliq est encore loin. C’est alors que je vois au loin un camion arrêté ! Il ne faut pas que je laisse passer cette opportunité ! J’accélère. S’il redémarre avant que je l’atteigne, c’est foutu. J’appuie comme un fou sur les pédales en le fixant anxieusement.

Il me fait l’impression de se rapprocher et ralenti. Heureusement je l’atteins avant qu’il reparte. Je demande « voda » (eau en russe) et le chauffeur remplit une bouteille d’une eau tiède qui coule lentement d’un petit réservoir fixé sous le camion. C’est le litre qu’il me manquait pour aller jusqu’à Jasliq. Je bois sans plaisir cette eau presque chaude et je reprends la route après avoir remercié le camionneur. A Jasliq j’achète une bouteille de Pepsi et deux bouteilles d’eau. Je bois lentement et avec délectation le soda qui est littéralement congelé. Le village n’est pas plus grand que Karakalpakya. Pas de banque ou de bureau de change. Je peux donc m’hydrater mais pas m’ alimenter.

Je regarde sur mon GPS à quel distance se trouve le prochain hôtel : 150km. Si cet endroit accepte les dollars, je pourrais y faire étape. Sinon je devrais pousser jusqu’à Kungrad, 50km plus loin.

Je reprends la route. Une ligne droite de 180km de long qui s’étire dans un paysage sec et plat qui ne varie jamais. Le revêtement est parfois correct, d’autres fois franchement mauvais. Le coucher de soleil est très beau. Il est surtout signe que je ne vais pas avoir de nouveaux problèmes de déshydratation.

Vers 21:30 j’arrive à l’hôtel restaurant Dinur. Un endroit apparemment populaire auprès des camionneurs. Je trouve un serveur qui parle anglais et il m’informe qu’il n’y a aucun problème si je souhaite payer en dollars. Pas besoin de faire 50km supplémentaires pour rallier Kungrad. Mon calvaire touche à sa fin ! Après 260km le ventre vide, je vais pouvoir enfin manger.


Sofiane est arrivé en Chine, voilà son périple au complet: itinéraire route de la soie vélo

Quelques liens utiles pour suivre l’aventure de Sofiane à vélo:

Et si vous voulez soutenir son périple, c’est sur Gofundme que ça se passe ! On espère qu’on vous a donné envie de partir à vélo à la découverte du monde 😉

Un voyage à vélo sur la Pamir Highway, ça vous tente ?

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