Thomas Pollet a 36 ans, est architecte à Lille et a participé au Sun Trip 2015, la course au long cours qui reliait cette année Milan à Antalya puis Milan à vélo solaire. Entretien passionnant.
Qu’est-ce qui t’a poussé à participer au Sun Trip ? C’était ton premier voyage à vélo ?
Le Sun Trip est mon premier voyage à vélo, mais ce n’est pas mon premier voyage au long cours. En 2008 je suis revenu du Vietnam (15 000 kms) avec ma copine en Moto biélorusse, une Minsk 125, à travers la Chine, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, la Russie et l’Europe de l’est. En 2010 nous avons fait le tour de l’Australie (30 000 kms) en van en un an. Avant ça, j’ai fait beaucoup de grandes randonnées en France et en Europe et j’ai beaucoup pratiqué l’autostop.
[bctt tweet= »J’ai toujours aimé la route et l’itinérance comme façon de voyager. » via= »no »]
J’ai toujours aimé la route et l’itinérance comme façon de voyager. Une fois revenu en France après ces voyages, j’ai voulu repartir. Je connaissais le Sun Trip, j’avais suivi l’édition derrière mon écran, comme on suit le Vendée Globe ou le Paris Dakar (Florian Bailly, l’organisateur du Sun Trip, définit d’ailleurs le Sun Trip comme un « Paris Dakar propre »). Je trouvais l’idée formidable et me suis promis de participer à l’édition suivante. Je cherchais un projet plus sportif que précédemment. Le vélo solaire m’a paru être un excellent compromis entre cet envie de voyage sportif et un projet technologique qui pouvait fédérer des partenaires autour de la promotion de l’écomobilté. Faire un voyage qui a du sens me paraît important.
Peux-tu nous décrire ton itinéraire en détails ? Combien de pays as-tu traversés ? Combien de kilomètres au total ?
Nous sommes partis de Chambéry pour un prologue jusqu’à Milan. Nous roulions groupés à ce moment du périple. Moi qui viens du Nord de la France j’appréhendais les passages montagneux. Je n’avais pas la possibilité pendant ma préparation de m’entraîner sur ce genre de profil. Mais finalement avec le recul, le plus difficile n’est pas le relief, mais le vent.
Le départ du Sun trip a donc été donné à Milan le 6 juin. A partir de là, chacun prenait la route qu’il voulait. Très vite ceux qui jouaient la course ont donné le ton (plus de 250 kms par jour !), moi j’ai opté pour un rythme plutôt de « cyclotouriste » (160 kms par jour en moyenne).
J’ai descendu la botte de l’Italie en compagnie de Tom Papay, un gars extraordinaire paraplégique en handbike. Il pédale avec les bras. Impressionnant. Nous avons voyagé ensemble 3 semaines jusqu’en Turquie où nos route se sont séparées. Il a malheureusement dû abandonner à cause de problèmes de santé.
Après l’Italie, nous avons traversé l’Albanie et la Grèce où nous avons traversé un passage pluvieux de plusieurs jours très compliqué à gérer avec des vélos qui ont de l’électronique embarquée. Mais surtout on rechargeait beaucoup moins bien nos batteries. Il faut imaginer des vélos de près de 180 kilos chargés !
En Turquie je me suis donc retrouvé seul. Il fallait passer par Antalya, check point obligatoire sur la Méditerranée, cette partie est très en relief mais superbe. A part quelques problèmes techniques liés au moteur c’est une partie que j’ai aimé parcourir. Puis Antalya vers les Cappadoces beaucoup plus à l’est avec des paysage plus secs, de grandes plaines céréalières avec tantôt de la montagne, tantôt de la colline exposée aux vents.
L’ensoleillement et mes problèmes technique résolus m’ont permis d’avoir de bonnes recharges solaires et de parcourir de belles distances sans trop de difficulté. Arrivés aux Cappadoces il nous fallait passer un dernier check point avant de revenir vers l’Italie.
Il fallait effectuer un boucle autour de l’Adriatique. Comme j’étais parti par l’Italie, je suis donc revenu par les Balkans. Mon option était de remonter plein nord en Bulgarie pour rejoindre le Danube en Roumanie pour ensuite le longer. Cet itinéraire était plus long de 200 kms environ, mais avait l’avantage d’être moins en relief.
Je ne regrette pas ce choix, la route y est magnifique par le passage des Portes de fer le long d’un fleuve impressionnant. Puis j’ai traversé la Serbie, la Croatie par le Nord, les montagnes inévitables de Slovénie, puis la plaine du Pô en Italie jusque Milan. La dernière journée je me suis donné à fond en roulant 235 kilomètres pour arriver avant la tombée de la nuit et fêter mon arrivée avec l’organisation et d’autres concurrents arrivés peu de temps avant moi.
Je suis rentré ensuite en France en retraversant les Alpes par le col du petit Saint Bernard. Après tous ces kilomètres, ça m’a paru beaucoup plus facile qu’au départ du prologue !
L’itinéraire (cliquer sur la photo pour plus de détails):
Quel pays as-tu préféré ?
C’est difficile à dire. Nous sommes restés longtemps sur les routes turques, presque la moitié du voyage. J’ai beaucoup de très bons souvenirs de ce pays, les paysages sont magnifiques et les gens accueillants.
Mais j’ai aussi un coup de cœur pour toute la partie roumaine le long du Danube. J’adore les ambiances de traversée de ces villages qui viennent presque d’un autre temps alors que c’est si proche de la maison.
Au contraire, quel pays as-tu le moins apprécié ?
L’Italie du Sud a été une partie compliquée. On s’est sentis parfois en insécurité. Les routes sont souvent jonchées de détritus, le soleil y est assassin. J’étais content de quitter l’Italie par le ferry vers l’Albanie pour rentrer véritablement dans le voyage. L’Albanie est d’ailleurs un pays qui nous a surpris. Nous avons été très bien accueillis, les gens nous souriaient tout le long du chemin, il y a eu un vrai changement avec une Italie du Sud qui nous semblait presque abandonnée.
Parle nous du défi sportif: combien de kilomètres faisais-tu par jour ? Combien de temps as-tu mis ? As-tu eu des pépins physiques ? des grosses fatigues physiques ou mentales ?
Je ne suis pas cycliste à la base. Mis à part quelques déplacements urbains, ça a été un vrai défi pour moi de me lancer dans ce voyage. Je me suis entraîné l’année avant le départ, mais il est difficile de parcourir ce qu’on va faire quotidiennement dans le Sun trip quand on travaille et qu’on a une famille.
[bctt tweet= »Je roulais entre 120 et 200 kilomètres par jour selon la météo et le relief. J’ai parcouru 7000 kilomètres en 29 jours. » via= »no »]
Je roulais entre 120 et 200 kilomètres par jour selon la météo et le relief. J’ai parcouru 7000 kilomètres en 29 jours dont 7-8 jours de pause. On peut ajouter un petit 1000 kilomètre avec le prologue de Chambéry à Milan puis le retour de Milan vers la France.
Dès le début j’ai eu un problème de genou… Selle mal réglée: l’erreur du débutant ! J’ai mis au moins dix jours à régler ce problème. Je me suis fait peur: ça aurait été vraiment dommage d’abandonner dès le début sur une erreur si bête.
Ensuite tout s’est passé plus ou moins bien. Je n’ai jamais eu de réelles grosses fatigues, même si une fois j’ai dû m’arrêter une journée après avoir roulé 12 jours d’affilés. Je sentais à ce moment que la pause était nécessaire.
Du point de vue mental, le plus compliqué est de gérer les problème techniques. Il est vrai que ce genre de vélo se repose beaucoup sur une partie technologique très spécifique. L’électro-solaire est plus compliqué à gérer qu’un simple vélo qui n’est que de la simple mécanique. Du coup on est toujours à l’écoute de son vélo, de son moteur, on regarde constamment sa production solaire, sa consommation moteur. Tout ça devient vite fatiguant, c’est une préoccupation qu’on n’a pas en vélo classique. Mais on l’intègre au fur et à mesure du voyage.
[bctt tweet= »Combien de fois je me surprenais à sourire pour rien tout en pédalant. »]
Sinon je n’ai eu qu’un coup de blues vers la fin. Ma famille me manquait un peu, j’ai eu une petite période proche de l’arrivée où il me tardait de revoir mon petit garçon. J’essayais de me dire de ne pas me gâcher le voyage pour ça, qu’il fallait en profiter. Ces moments-là ne sont pas toujours simples à passer, mais dans l’ensemble il faut se dire qu’on a de la chance de pouvoir entreprendre ce genre d’expérience !
On est quand même sur un petit nuage lorsqu’on est sur la route. Les paysages, les rencontres, toutes les situations extraordinaires que l’on vit font qu’un voyage au long cours est quelque chose qui nous rend plus fort et très souvent heureux. Combien de fois je me surprenais à sourire pour rien tout en pédalant.
Quels sont les avantages à voyager avec un vélo solaire (vs vélo normal) ? Quelle était la réaction des habitants au passage de ton vélo ? As-tu dû régler des problèmes mécaniques ?
[bctt tweet= »L’électro solaire rend vraiment accessible le voyage à vélo du point de vue physique. »]
Le vélo solaire, même si il est beaucoup plus lourd qu’un vélo normal, nous permet de parcourir beaucoup plus de kilomètres. La recharge solaire nous rend autonome, ce qui n’enlève en rien la liberté de rouler et de s’arrêter où l’on veut sans devoir absolument chercher une prise de courant.
Il y a aussi un avantage énorme en montée. L’assistance électrique est très efficace sur tout type de relief. Ce qui permet à des personnes qui ne sont pas forcément de grand sportif de parcourir de grandes distances. L’électro solaire rend vraiment accessible le voyage à vélo du point de vue physique. il s’adapte d’ailleurs très bien aux vélos couchés ou, plus confortable, aux trikes. Sa complexité technologique peut être un inconvénient, mais il est vraiment compensé par son efficacité. Le vélo solaire est de plus en plus fiable. Durant ce Sun Trip, il n’y a eu aucun abandon technique ! Tout le monde est rentré en vélo à la maison.
[bctt tweet= »Le vélo solaire est un moyen de rencontrer les gens beaucoup plus facilement. »]
Par contre l’avantage , c’est que c’est un OVNI sur les routes. Les gens sont intrigués. Le vélo solaire est un moyen de rencontrer les gens beaucoup plus facilement. De plus le message qu’on véhicule avec nous, l’éco-mobilité, l’usage d’énergies renouvelables dans un moyen de transport, est universel. Tout le monde comprend vite quand on leur explique la présence des panneaux solaires et du moteur. Il y a une sympathie qui se crée à nous voir rouler avec des véhicules pareils.
Le Sun Trip, en plus d’être un défi sportif et de promouvoir l’éco-mobilité, est également une aventure humaine. Quelles ont été tes plus belles rencontres ? les plus insolites ?
J’ai été plusieurs fois accueilli par des personnes sur la route. Ils partagent souvent leur temps, leur maison, leur repas sans retenue. On a l’impression de faire partie de leur famille pour une soirée. Les gens qui nous accueillent sont d’un réconfort énorme.
S’il faut parler d’une rencontre en particulier, ce serait celle de deux bergers dans un champs le long d’une route. Je cherchais un endroit pour bivouaquer, je les ai vus au loin me faire signe. Sans me poser de question je suis allé à leur rencontre. Il m’ont dit de planter ma tente ici. Il y avait un point d’eau où les moutons s’abreuvaient. Ils avaient fait un feu pour faire chauffer de l’eau pour le thé. Ils m’ont offert une partie de leur repas, une sorte de mijoté de mouton qui avait une drôle de tête, mais qui était excellent. Nous étions là au coin du feu en pleine nature, très simplement. C’était un moment magique.
Par ailleurs, un projet comme celui-ci est difficile à mettre en place seul. C’est une entreprise collective, et plusieurs partenaires y ont participé. Il faut s’entourer de professionnels du solaire et du vélo électrique si on n’est pas spécialiste. Je tiens à remercier ALTERMOVE, boutique du déplacement urbain, spécialiste de l’éco-mobité et SOLEX, la célèbre marque de vélo-moteur reconvertie depuis les année 2000 au vélo électrique.
Ensemble ils ont mis au point ce vélo solaire avec leur partenaire CLIP&BIKE, une entreprise qui met au point des systèmes de recharge pour vélo électrique innovant.
Je me suis aussi entouré d’autre petits partenaires qui partageaient les valeurs que met en avant le Sun Trip. Ils m’ont aidé financièrement pour boucler le budget.
Quel est ton meilleur souvenir du voyage ? La pire galère ?
Difficile à dire. Le pire moment a sûrement été quand mon moteur est tombé en panne juste avant Antalya. Je pensais que c’était fini pour moi. Impossible d’avancer sans moteur, le vélo est trop lourd dans les montées. J’ai du prendre un camion jusque Antalya (100 kms) et là j’ai pris le temps de régler le problème avec mon équipe technique d’abord par Skype pour diagnostiquer la panne et ensuite quelqu’un est venu directement avec un nouveau moteur. Ca a été plusieurs jours de doute. Avec des espoirs et des désillusions jusqu’au dénouement, c’était très stressant !
Un projet comme celui ci, c’est beaucoup de temps passé pour le préparer. Être à ce point proche d’abandonner nous fait penser qu’on a perdu tout ce temps pour rien.
[bctt tweet= »Quand on part, on a déjà réussi. »]
Il y a beaucoup de bons moments. Peut être que le départ est quelque chose de spécial. Quand on part, on a déjà réussi. En plus, sur le Sun Trip il y a vraiment un esprit de famille. On est trente participants, tous dans le même bateau. Le départ et le prologue sont les seuls moments où l’on est tous ensemble. C’est une fête. Après chacun va à son rythme.
Ton prochain voyage à vélo, c’est pour quand ? et dans quel(s) pays ?
Je n’ai rien prévu pour le moment. J’ai une famille, deux petits garçons maintenant. Si je repars ce sera de toute façon avec eux, et le vélo n’est pas forcément le moyen de transport que l’on choisira.
Je repartirai sûrement faire un voyage en vélo. J’ai aimé le rythme du vélo en voyage. Cela procure aussi un bien être physique: je ne suis jamais tombé malade, je me sentais de mieux en mieux dans mon corps. C’est une chose que j’aurai sûrement envie de refaire, que mon corps me le demandera…
Un dernier mot pour convaincre les lecteurs de notre blog de participer à la prochaine édition du Sun Trip ?
[bctt tweet= »Le Sun Trip est aussi un geste pour la planète: c’est faire avancer un peu plus les consciences vers de nouvelles idées. »]
Plus qu’un voyage, le Sun Trip est aussi un geste pour la planète: c’est faire avancer un peu plus les consciences vers de nouvelles idées. Le Sun Trip incarne très bien ceci. Participer au Sun Trip demande de l’engagement, des convictions. C’est une expérience extraordinaire à vivre, passionnante. On en revient fier !
Le Sun Trip c’est un voyage qui se partage aussi. Pendant tout le parcours nous sommes amenés à communiquer beaucoup par Internet, par blog, par vidéos. Le Sun Trip est aussi vivant grâce à tous ceux qui nous suivent en direct ! Vous trouverez donc beaucoup de choses sur leur site.
Plus d’informations sur le superbe voyage à vélo de Thomas:
- Le site de Thomas
- Le site du Suntrip
- Et une petite vidéo pour vous donner envie 🙂
Un grand merci à Thomas de nous avoir raconté son superbe voyage. Partagez avec nous vos réflexions sur le Sun Trip dans les commentaires, et aimez / partagez cet article sur les réseaux sociaux (la barre à gauche ), cela nous donnera de la motivation pour écrire le prochain !
une aventure qui m’aurait bien tentée, merci de me faire rêver
Merci pour votre gentil commentaire ! Il y aura des prochaines éditions 😉
Belle aventure. Nous avons emprunté les mêmes routes, j’ai aussi traversé l’Albanie cet été en vélo « normal » pour aller à Istambul.
L’ acceuil des habitants est vraiment sympa partout. Je pense que le vélo facilite les choses. Quand ils seront en âge de comprendre les garçons appécieront !
Merci pour votre témoignage !