Récit de voyage de Stéphane Bertox, qui a découvert avec son frère et un ami l’Arménie à vélo. Bikepacking, Haut Karabakh, camping sauvage, accueil chaleureux, paysages grandioses, vodka, chemins caillouteux… Une aventure à vélo comme on les aime !
Salut Stéphane, pourquoi avoir choisi l’Arménie à vélo ?
Notre cahier des charges: pays montagneux non alpin, climat chaud, billet d’avions dans les 300€ maximum.
Pour la première fois, nous avions envie d’aller pédaler à l’étranger. Notre cahier des charges se déclinait ainsi: pays montagneux non alpin, climat chaud, billet d’avions dans les 300€ maximum.
Dans un premier temps nous avons planché sur une traversée Bulgarie-Gréce. Le prix du transport des vélos sur les vols court-courriers nous a vite calmés. Finalement le fait que le transport des vélos soit gratuit sur la compagnie Aeroflot nous a conquis. Le choix final fut donc économique, pour 260€ nous avions notre vol pour Erevan il fallait maintenant imaginer un itinéraire.
Vous êtes partis à combien ?
Nous sommes partis à 3: mon frère Chris, notre pote Djé et moi. Nous essayons d’organiser tous les ans un voyage à vélo en montagne et avons traversé plusieurs massifs montagneux en France (Vosges, Massif central, Cévennes).
Comment avez-vous préparé votre voyage à vélo en Arménie ?
J’ai préparé l’itinéraire à l’aide de Sport Route Planner. Ce planificateur d’itinéraire en ligne a l’avantage de créer des tracés qui suivent automatiquement les routes/sentiers/chemins et possède comme fond de carte, entre autres, OCM (Open Cycle Map), Google satellite et Bing satellite.
J’ai créé l’itinéraire en suivant les chemins OCM et lorsqu’il n’y avait plus de route je suivais d’hypothétiques routes visibles sur les photos satellites. Le satellite devient inutile lorsque les photos sont prises en hiver et qu’il n’est plus possible de distinguer les chemins dissimulés sous la neige. L’itinéraire était composé de plusieurs variantes, à adapter en fonction des conseils des locaux que l’on recueillerait sur place.
Nous avons chargé les tracés, les cartes OCM et les photos satellites sur nos téléphones avec l’application view ranger.
Peux-tu nous décrire l’itinéraire en détails ? Combien de kms et de jours de vélo au total ? Quelle difficulté ?
En 7 jours nous avons parcouru environ 320km et près de 8000m de dénivelé du sud de l’Arménie à la capitale Erevan.
En 7 jours nous avons parcouru environ 320km et près de 8000m de dénivelé du sud de l’Arménie à la capitale Erevan.
Cliquez sur l’image ci-dessous pour voir l’itinéraire en détails:
En Arménie seules les routes principales sont entièrement goudronnées, sur les routes secondaires que nous avons empruntées, seules quelques portions d’enrobés subsistent.
En montagne de nombreux chemins carrossables existent et il n’est d’ailleurs pas rare de croiser un camion d’un autre âge grimper des côtes qui semblaient pourtant infranchissables en véhicule. Nous avons également fait un peu de Freeride dans les steppes de la république autoproclamée du Montagneux KARABAKH (ou haut Karabakh), soit une 20aine de kilomètres sur le petit plateau – grands pignons à naviguer à l’Azimut.
Quelle est la partie que vous avez préférée à vélo ? Quels ont été les points les plus beaux sur ton parcours ? Votre souvenir le plus marquant du voyage ?
Sans aucun doute la traversée d’une région de la république autoproclamée du Haut Karabakh. Cela a été épique à plusieurs titres.
Le choix de l’itinéraire fut compliqué :
- cette zone est formellement déconseillée par le Quai d’Orsay : l’Arménie est en guerre avec l’Azerbaïdjan aux frontières du Haut Karabakh et la république n’est pas reconnue par l’ONU.
- des champs de mines antipersonnel sont toujours présents dans le Haut Karabakh.
En amont nous avons contacté un guide qui réalise cette traversée avec des randonneurs. Il nous a confirmé qu’il n’y avait aucun champ de mines dans le secteur et que le conflit se trouvait à plusieurs centaines de kilomètres de cette zone inhabitée, sans intérêt pour les belligérants. Le guide nous a quand même déconseillé de traverser la zone de peur que l’on se perde, à cause de la difficulté du terrain et de la présence d’ours et de loups !
La traversée :
Nous décidons quand même de traverser la zone et nous ne le regrettons pas. Cette zone est située sur un plateau volcanique à 3000m d’altitude. Des anciens cratères sont visibles à perte de vue, des pétroglyphes de plus de sept mille ans sont gravés sur de nombreux rochers, la faune est d’une beauté sauvage notamment sur les nombreux lacs d’altitude et nous avons même eu la chance de croiser une ourse avec ses deux petits.
La traversée fut éprouvante mais nous en avons pris plein les yeux et les bivouacs étaient majestueux.
Le retour à la civilisation fut également remarquable avec une descente de 1000m de dénivelé jusqu’au lac Sevan.
La descente fut entrecoupée de diverses pauses car nous croisions régulièrement des agriculteurs en pleine fauche des foins. Ces derniers, en cette fin d’après-midi, nous invitèrent à partager cafés et vodkas pour clôturer leur journée de travail.
Que dirais-tu de l’accueil des Arméniens le long du parcours ?
L’accueil des Arméniens est fantastique (…) Plusieurs fois des Arméniens ont appelé leur famille en France pour pouvoir faire la traduction.
L’accueil des Arméniens est fantastique. Dès le premier soir en montagne nous étions invités à dîner par une famille dans leur Datcha. La journée lorsque l’on traverse un village nous sommes systèmatiquement invités à boire le café. Les Arméniens ont un fort lien avec la France en raison d’une grande diaspora et de personnalités célèbres d’origine arménienne comme Charles Aznavour ou Youri Djorkaeff. Plusieurs fois des Arméniens ont appelé leur famille en France pour pouvoir faire la traduction.
Vous vous organisiez comment niveau logement (camping, auberges, hôtels, Warmshowers, etc) ? Facile de faire du camping sauvage ?
Nous avons majoritairement bivouaqué avec ou sans abri. Il est facile de trouver des lieux de campement. Le pays comporte de nombreux ruisseaux et je dirais que c’est le pays de la fontaine : il y en a dans tous les villages, le long des routes et même en montagne dans des endroits improbables.
Un voyage en Arménie à vélo, ça coûte combien ?
En s’y prenant 5 mois à l’avance le billet d’avion nous a coûté 260€ et sur place nous avons dépensé 200€ par personne pour 12 jours. La vie est bon marché pour nous, au restaurant il faut compter 3€ pour un plat, la traversée du pays en bus avec les vélos nous a coûté 20€/personne. Dans la capitale il y a de nombreuses guesthouse où vous pouvez dormir pour moins de 10€ et point important pour comparer le coût de la vie, la bière est à 1€.
Peux-tu nous décrire votre équipement vélo + camping ? et ce que vous en avez pensé ? Si c’était à refaire, vous reprendriez ça ?
Pour les vélos nous avions :
- 1 velo type cross country Commencal El-camino pour Djé
- 1 vélo mid-fat rigide Genesis Longitude pour Chris
- 1 vélo type Endurigide Commencal meta HT crMo pour moi
Pour les bagages après des années avec nos portes bagages de tube de selle nous avons succombé aux sirènes du marketing et sommes tombés dans la mode des sacoches de bikepacking.
Chère mais robuste nous avons chacun investi dans une sacoche de selle Terrapin de chez Revelate Design.
Côté guidon il y a 3 écoles: le harnais de Revelate design, le harnais Pacman de chez Triglav bikepacking et le minimaliste protège guidon Joey de chez Alpkit.
Comme abris nous avions 2 tarps, un géant de 5x3m et un plus petit de 3x2m le montage se faisait avec 2 bâtons de rando trail ou avec les vélos. Le petit tarp nous a servi 2 fois pour nous abriter du vent pendant la pause déjeuner et aurait très bien pu rester à la maison. Le grand tarp n’est pas dans l’esprit ultra-léger mais est ultra-polyvalent. Souvent monté en mode trappeur pour se protéger du vent nous l’utilisons également en canadienne pour la pluie et avons pu passer une soirée à 10 dessous pour se protéger d’un violent orage.
Côté couchage nous dormions chacun sur nos matelas gonflables (1 thermarest, 1 JRgear, 1 Decathlon) protégés du sol par une fine feuille de polycree.
Nos sacs de couchage 3 saisons chargés de 600g de duvet (soit 1.2kg le sac) étaient un peu chauds pour la région. Nous les avons fermés seulement lors des 2 nuits à plus de 3000m. C’est un budget mais un duvet ultra light d’été aurait largement fait l’affaire pour un gain de poids et de place.
Pour la cuisine nous avions un réchaud à gaz et 2 popotes, une pour cuisiner et l’autre pour le thé. Nous avons préalablement acheté du gaz à Yerevan dans ce magasin.
Des grosses galères pendant ce voyage ?
On a eu quelques ascenseurs émotionnels. Le premier lorsque mon dérailleur se coinça dans les rayons de ma roue au milieu du plateau volcanique du haut Karabakh. Les dégâts ? La patte de dérailleur est tordue et le dérailleur est fêlé au niveau de la vis de butée. Après avoir joué de la pince et du chalumeau avec le réchaud à gaz, nous avons redressé la patte en acier et consolidé la buté avec 2 colliers de serrage en plastique (à toujours avoir lors d’un bike trip). Dès lors je n’ai plus eu de problème.
Deuxième péripétie, autre ambiance, un soir d’orage un groupe de jeunes nous invite à partager leur barbecue sur la plage où nous campons. Nous les invitons à venir s’abriter sous notre Tarp pour passer la soirée. La vodka et la bière coulent à flots et l’orage tonne. Bien chauds les mecs veulent faire du vélo, manque de chance le vélo de Djé n’est pas prêt pour rouler, des ficelles et sangles traînent partout. Et là, c’est le drame une sangle se prend dans les rayons de la roue avant et arrache la durite de frein. Ce n’est pas grave la soirée continue, au bout de quelques heures nos joyeux drilles s’en vont et nous préparons notre couchage. Une autre voiture arrive deux jeunes nous proposent une bière on refuse gentiment, on a eu notre compte. On discute, on leur présente notre matos de couchage et ils profitent d’un moment d’inattention pour nous voler le matelas que nous venons de leur montrer. Dure soirée pour Djé: il n’a plus de matelas, plus de frein avant mais ce n’est que le lendemain soir que les roulements de son moyeu avant rendirent l’âme.
Dernière galère, le dernier jour … On a perdu mon frère. On l’a cherché dans la montagne au dernier endroit où l’on était ensemble. Rien à faire, au bout de deux heures de recherche on a poursuivi notre chemin rassuré par les traces de pneu de son vélo laissé dans les zones sablonneuses.
Son aventure fut assez pénible. Dès qu’il nous a perdus de vue il a crevé son pneu avant. Manque de chance il n’avait aucune des 2 pompes que nous avions. Il a poussé son vélo jusqu’au col à 3300m. Voyant un campement de berger en contrebas il voulut le rejoindre en coupant au plus court. Impossible d’avancer: une falaise d’une dizaine de mètres lui barre la route. Maintenant il lui faut remonter au col par un pierrier et il imagine même abandonner son vélo sur place. Tant bien que mal il arrive au campement des bergers, ici la fête bat son plein sous un grand chapiteau. Comme à leurs habitudes les Arméniens accueillent le frangin à bras ouverts, les tournées de vodka se succèdent tandis que dehors, les jeunes tentent de regonfler le pneu à valve Presta, peu commune dans ces contrées, avec le compresseur d’un camion. Tout est bien qui finit bien: mon frère rentre en camion puis taxi à Erevan et nous nous retrouvons dans notre auberge après avoir pédalé, de notre côté, jusqu’à 22h.
Votre prochain voyage à vélo, c’est pour quand ? et dans quel pays ?
Pour moi ça sera surement avec femme et enfant sur une voie cyclable vers l’Alsace ou la Suisse. Pour l’équipe d’Arménie nous avons le projet de réaliser le GR4 qui relie les côtes Charentaises aux Alpes Maritimes.
Un dernier mot pour convaincre de partir à la découverte de l’Arménie à vélo ?
Si vous êtes amateur de chemin caillouteux, de paysages grandioses, d’un peu d’aventure, l’Arménie est faite pour vous.
Le voyage à vélo, en Arménie ou ailleurs, donne une intensité incomparable au voyage. En ce qui concerne l’Arménie, si vous êtes amateur de chemin caillouteux, de paysages grandioses, d’un peu d’aventure et que vous avez le foie solide, ce pays est fait pour vous.
Merci beaucoup Stéphane d’avoir répondu avec enthousiasme à toutes nos questions ! Un super témoignage pour un voyage à vélo qui se fait rarement ! Retrouvez plus de photos de voyages à vélo de Stéphane sur sa page Instagram.
Alors, l’Arménie à vélo, ça vous dit ? Vous aimeriez découvrir ce petit pays du Caucase à vélo ? Racontez-nous tout en commentant cet article !
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